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samedi 9 février 2008

There will be blood

Paul Thomas Anderson a-t-il assommé la compétition officielle dès le premier jour? Qui pourra rivaliser avec ce monstre de fureur venu des plaines arides des Etats-Unis?  On ne peut s'empêcher de se laisser aller à un pronostic… Déjà… D'accord ce n'est que le premier jour de la compétition, le film a déjà raflé la mise auprès des critiques américains , Daniel Day Lewis est en course pour l'Oscar du meilleur acteur. Ce serait peut-être trop attendu. Et alors? Des films de cette trempe là ne sortent pas tous les jours sur les écrans. La noirceur d'un film de mafia à la Scorsese et les espaces d'un western à la Sergio Leone. Le tout servi par une photographie à couper le souffle, qui fait entrer la lumière dans le plus noir des mondes. Le western est sombre, mais le réalisateur n'oublie pas la fantaisie et manie à la perfection l'art du rebondissement. L'aisance avec laquelle il met en scène fait de chaque plan une histoire à part entière. La musique de Jonny Greenwood (guitariste de Radiohead) porte un peu plus loin encore ce long chant âpre et puissant.
Nous sommes au début du siècle. Là où l'Amérique se fit à coup de pioches, de sueur, de règlements de compte au fusil et de chercheurs d'or. Et puis il y eut l'or noir, au Sud, là où le blé ne pouvait même pas pousser. Daniel Plainview a creusé seul à la main, a trouvé de l'or un peu, de l'argent aussi. A creusé encore, remonté du pétrole à coups de seau et de poulie sous un soleil de plomb, a vu mourir des hommes englués dans le liquide épais. En dix ans, le voilà devenu un pionnier des pionniers, ceux qui feront l'histoire pétrolifère du Sud des Etats-Unis. Voilà pour les présentations et une scène d'ouverture magistrale de presque vingt minutes sans un mot échangé, simplement portée par une bande son aussi lancinante que la lumière du soleil. "There will be blood" est un film fleuve de trois heures, inspiré du roman "Oil" d'Upton Sinclair, où la tension ne redescend jamais. En son centre, Daniel Day Lewis. Un personnage retors, qui ne cache pas son ambition et affiche sa bonté. Pionnier dans le forage de pétrole, il prend plaisir à aller rafler la terre aux plus pauvres pour bâtir un empire, leur promettant éducation, routes, travail, enrichissement de la communauté. Tous les moyens sont bons, y compris se servir de son fils adoptif pour émouvoir la populace, ou se convertir à une secte évangéliste, lui le pêcheur, lui qui n'a d'autre dieu que l'alcool et l'argent. Au fil des années Plainview accumule les richesses en même temps qu'il développe une haine féroce de son prochain, qui le portera jusqu'à la folie. Daniel Day Lewis trace ce chemin équivoque et ambigu d'un homme trop seul, devenu paranoïaque, sans jamais se départir de l'énergie incroyable puisée dans la haine et la fierté. Face à lui le jeune Paul Dano, habité par son rôle de pasteur intégriste, donne le change. De leur confrontation émergent les scènes les plus cocasses et violentes du film. "There will be blood" pose un regard noir sur les fondements du mythe américain, et n'oublie pas que l'histoire des Etats-Unis c'est aussi le dénuement extrême, la malhonnêteté, le culte de l'argent et l'obscurantisme religieux.
Stéphanie

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