Journal du bord du festival berlinois depuis 2008

°critiques°interviews°rencontres°ambiance°images°

lundi 11 février 2008

Les damnés du tapis rouge

Samedi soir, pause militante au Roter Salon. La face cachée du festival. Le Mayday organise le "Gala des perspectives précaires". Une sorte de remise des prix parodique pour raconter les conditions de travail dans le domaine culturel, et en particulier à la Berlinale. Depuis deux semaines leurs affiches rouge et blanche côtoient celles en papier glacé du festival. Lors de la soirée d'ouverture, sur le parvis du Berlinale Palast, j'avais croisé Max qui tractait pour ce rendez-vous. On avait parlé, des artistes ici, de l'intermittence en France, de ce grand déballage de fric pendant dix jours à Berlin.
Samedi soir, on le retrouve sur scène avec une cape à paillettes pour remettre les Ours d'Or des précaires. C'est quand même bien ficelé tout ça. Ils s'y sont pris deux mois à l'avance me dit Max. Le Mayday Movement est derrière tout ça, bien soutenu par ceux de Hambourg, plus nombreux. Sur la scène six personnes lisent des témoignages de stagiaires, scénaristes, producteurs, techniciens, ouvreurs de cinéma, projectionnistes, programmateurs... Tous racontent cette ambivalence du travail culturel: on bosse dans un domaine cool, alors on ne compte pas ses heures, et puis c'est encore mieux quand on n'est pas payé, parce que quand même, bosser pour tel festival de cinéma, telle biennale artistique, ça pète sur un CV. Puis vient un documentaire tourné et monté dans l'urgence pendant les deux premiers jours de la Berlinale par un collectif venu d'un squat berlinois. Beau travail. Ils sont allés faire parler quelques uns des milliers d'intérimaires, stagiaires, mitarbeiter de la Berlinale. Il y a ce grand brun avec sa cape ridicule qui fait le plancton tous les jours devant le tapis rouge du Berlinale Palast pour laisser passer les stars. Ce blondinet qui tient la porte, et que je croise tous les matins en faisant la queue pour les tickets. Ces ouvreuses, ces femmes de ménage, ces gars de la sécurité. La plupart gagnent entre 5,50 euros et 7,50 euros de l'heure. Quand ils sont stagiaires c'est 400 euros par mois. Et pour les bénévoles, juste le plaisir de pourvoir dire à ses copains, Eh je bosse à la Berlinale. "Rarement précarité et glamour se côtoient d'aussi près" peut-on lire dans le tract. Et oui, monsieur capé qui poireaute tous les soirs dans le froid aura quand même le droit de laisser passer les stars. "L'illusion du strass et des paillettes ne prend plus vraiment. Pour moi, plus il y a de glamour, plus il y a de stress. Mais bon, c'est vrai que je vais pouvoir voir Madonna de près!". Peut-être même qu'elle lui marchera un peu sur les pieds… D'autres jeunes stagiaires sur-diplômées racontent qu'elles bossent douze heures par jour pour… une misère. "C'est un peu comme les Jeux Olympiques, c'est déjà bien de participer". Samedi soir, nous on était bien contents de participer aussi à ça. Sous les lumières rouges du magnifique Roter Salon de la Volksbuhne (le grand théâtre de Berlin Est). Prochain rendez-vous du mouvement des précaires, le 1er mai dans les rues de Berlin, où il paraît que ça chauffe toujours bien.
Stéphanie

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire