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samedi 9 février 2008

Ja sum od Titov veles

22h45, Cinestar, dans le sous-sol du Sony Center. Un film dont je ne sais presque rien avant d'entrer dans la salle, si ce n'est qu'il est macédonien et que le titre sonne bien... "Ja sum od Titov Veles", est le deuxième long métrage de fiction du clan Mitevski, soit deux frères et une sœur originaires de Skopje (Macédoine) qui ont décidé récemment de monter leur propre boite de prodution "Sisters and brother Mitevski". Teona est derrière la caméra, Labina était jusqu'à présent actrice et s'est aussi retrouvée pour ce film dans la peau de la productrice. Quant à Vuk, le frère, il est artiste, sculpteur, designer, habite aujourd'hui New York et a assuré sur ce film toute la scénographie.
Dans "Ja sum od Titov Veles" (Je suis de Tito veles) il est aussi question d'un clan. Trois sœurs, trois orphelines, Afrodita, Sapho et Slavica, s'arrangent d'une vie difficile dans une ville sans avenir, Titov Veles. "Depuis que Tito est mort, c'est seulement Veles", précise Afrodita, la plus jeune des trois sœurs, narratrice chuchotante dont le personnage est pourtant muet. A Titov veles, il y a une usine, monstrueuse vieillissante, dont la pollution volante pénètre tous les intérieurs, tous les recoins de la ville. Les habitants s'y empêtrent dans un quotidien sans relief et noir. "J'ai voulu faire un film positif", clame la jeune réalisatrice. Une noirceur et un désespoir imprègnent pourtant le film. Les hommes y sont des machos sans scrupule tâtant de la chair des femmes comme du bétail, offrant des machines à laver comme d'autres offriraient des fleurs, où l'usine crache son air pollué depuis trois générations d'habitants. Quant aux trois sœurs, elles sont tout à la fois dans l'acceptation et dans le refus des règles qui ont cours dans cette ville sinistrée. Sapho, belle et sans scrupule, utilise la bassesse des hommes pour pouvoir un jour se payer le visa vers l'ailleurs. L'aînée Slavica traîne sa toxicomanie depuis trop longtemps et ne rêve que de se marier, enfin. Et puis il y a les silences d'Afrodita, la plus jeune, la plus fragile. A 5 ans Afrodita a décidé de ne plus parler. Aujourd'hui son silence la protège des absurdités du monde. Elle est là mais elle s'échappe. Elle rêve, elle nous parle, d'une voix à peine audible. Elle est l'innocence au milieu de la fange, elle rend possible le rêve et la poésie. Son cercle s'arrête à ses deux sœurs. Mais elle sait qu'un jour aussi elles partiront et l'abandonneront.
Ses yeux, ses mains, ses gestes, ses robes colorées habitent l'univers sensoriel du cinéma des sœurs Mitevska. La fable qu'elles sont venues présenter ici est poétique et trash, onirique et crûe, sans concession sur un monde qui se finit. Tito n'est plus, la Yougoslavie non plus. Pourtant les Macédoniens portent encore le fardeau de leur histoire. Trop lourd selon elles. "Avec ce film nous avons voulu montrer que c'était la fin d'un monde. Notre génération veut oublier le passé, et tout recommencer à zéro".
Stéphanie

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