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samedi 16 février 2008

La Rabia

"Tous les animaux du film ont vécu et sont morts de mort naturelle » précise le générique de la Rabia. Rires dans la salle. Ce sera le dernier devant ce film brutal, âpre, brut. Dans la pampa argentine, hommes et animaux évoluent sur une terre belle et hostile, vivent, meurent, se reproduisent. Albertina Carri puise dans les gestes simples et quotidiens des paysans, une essence brutale et sauvage. Les animaux y subissent le sort de traditions ancestrales : chasser, élever, soigner, égorger, plumer. La bande son est habitée des bruits de la forêt, des marais, de la nuit, des souflles et des râles, des cris du cochon et des veulements de jouissance d'un couple adultère. Car dans ce film dérangeant les hommes n'ont rien à envier à la sauvagerie de la faune.
Deux clans s'y frottent de manière rude et bestiale. Pichon vit seul avec son fils qu'il maltraite. Ce garçon vit sa vie presque à l'état sauvage au milieu des bêtes, ses chiens, les moutons, les animaux qu'il chasse la nuit. Poldo a une femme et une fille, Nati. Celle-ci n'émet aucune parole si ce n'est des cris suraigus parfois. Cet austisme la tient en retrait de l'environnement violent qui l'entoure. Témoin muette de la sauvagerie des hommes, de sa famille (sa mère se fait tringler avec animalité par Pichon, la baffe et les coups pleuvent au moindre regard de travers, les fusils sont toujours à portée de main), Nati retranscrit dans des dessins la violence environnante. Dans le film, ses angoisses incommuniquables sont traduites par des séquences aigues parcourues de gouaches et de dessins, de sons lancinants et de guitares distordues. Le paysage, majestueux, de la plaine argentine apporte à la dramaturgie de cette œuvre au goût de terre et de sang. La lumière grise, métallique, aiguise les tensions d'un film charnel et carnassier. Le cinéma de Carri n'a rien de divertissant, mais il a de la force et un propos. Coup de cœur.
Stéphanie

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