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lundi 11 février 2008

Avaze Gonjeshk-ha - The Song Of Sparrows

Enfin un espoir de relance de la compétition après le KO infligé par There will be blood. Le film de l'iranien Majid Majidi, plus de 15 longs métrages à son actif depuis 1981, nous emmène dans un Iran du quotidien, populaire, pauvre, mais pas caricatural et encore moins folklorique. Tout est là, pourtant :
la vieille maison de la famille de Karim, marié, père de trois enfants et employé d'un élevage d'autruches, n'a pas de fenêtres, ses sols sont couverts de tapis bariolés et on y boit du thé à longueur de temps, quand viennent les amis,  lorsqu'on travaille à nettoyer des bottes de radis, ou le soir venu quand les enfants tentent de regarder une télé désespérément impossible à régler, malgré la batterie d'ustensiles de cuisine servant d'antenne.  Le destin accable Karim, quand sa fille sourde casse son appareil auditif, et que la fuite inopinée –et hilarante- d'une autruche lui vaut d'être viré de son boulot "qui de toute façon ne payait pas, au milieu de ces débiles d'oiseaux". Il se rend à Téhéran où il devient par hasard moto-taxi. Il use alors sa bécane comme un damné, et l'on ne sait si sa motivation est due à la perspective d'offrir un nouvel appareil à sa fille,  ou si la fréquentation de la populace urbaine friquée lui fait tourner la tête, lui le paysan-brocanteur du dimanche, qui ne sait à peine compter les billets. Ses retours à la maison trahissent un Karim taciturne, qui s'enfonce dans l'angoisse au milieu d'un clair-obscur paradis, où ses enfants rêvent de retaper une vieille citerne afin d'y élever des poissons, acquis au terme de dures journées de travail.
On pourrait tomber dans le folklore, "regardez comme il est beau mon pays", d'autant plus que la photographie est superbe, et les paysages du désert iranien s'y prêtent à merveille. On pourrait virer au misérabilisme, "voyez comme nous sommes pauvres : nos enfants doivent travailler et utiliser les prothèses auditives des années 60", et il y a de quoi : ici on fait une fête d'une omelette et on dépense sa demi-journée de travail pour un jus d'orange en ville. Mais non. Porté par un acteur drôle, avec une "gueule", Reza Naje, et des idées de mise en scène belles et rigolotes, comme cette porte bleue qui semble voler au dessus des lignes parallèles d'un champ fraîchement labouré, ou Karim déguisé en Autruche au milieu du désert pour traquer la fugitive, le film rebondit d'un humour vif et tendre, et d'un humanisme qui n'a rien de larmoyant. Un peu comme si Guédiguian et Kusturica se mettaient à boire du thé pour l'apéro.
R.

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