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lundi 9 février 2009

Rage ô désespoir

C'était bien la peine d'ouvrir une troisième salle pour accueillir la foule de journalistes. C'était bien la peine de se bousculer. Vingt minutes après le début de Rage, le film de Sally Potter, cet après-midi, les premiers quittaient la salle. Moi je suis plutôt du genre à rester jusqu'à la fin. On ne sait jamais. Peut-être que tout avait un sens qui sera délivré dans les dix dernières minutes? Au bout de trois quarts d'heure c'est la moitié de la salle qui a fui.
Je me demande bien pourquoi on était si nombreux? Le casting sûrement. On vous dit Jude Law méconnaissable en drag queen (oui, lui, sur la photo), Steve Buscemi en photoreporter cynique, Judi Densch en journaliste de mode philosophe... Mais oui nous avons pêché par célébrétinisme aigu. Non que les acteurs ne soient pas bons. C'est bien le seul intérêt de ce film maniéré, rose et clinquant, comme l'industrie de la mode qu'il est censé raconter. Il y a le générique aussi. Pour raconter son histoire à dormir debout de maison de couture new yorkaise, Sally Potter a décidé de planter une caméra et d'y faire défiler un à un les protagonistes. Sur un fond bleu, rose, orange ou rouge, une mannequin pré-pubère, une drag queen égocentrique, un photographe cynique, une journaliste frustré, un couturier torturé, un livreur de pizza lucide, un stagiaire ambitieux.... enfin tous les échelons de la maison de couture viennent raconter là leur métier, leur mission, livrant forcément un peu d'eux-mêmes. Mais à qui parlent-ils donc? A Michelangelo, un étudiant ou un lycéen dont on comprend vaguement qu'il réalise un film pour l'école. On ne le verra jamais, on ne l'entendra pas plus. De témoin muet et passif il va cependant prendre le contrôle de toutes ces vies et se transformer en agent perturbateur. A moins qu'il ne soit qu'un révélateur. L'action à proprement parler ne nous parvient que par la bande son : musique métallique de défilé, slogans véhéments de petites mains pas contentes, pleurs, cris, hystérie. Bref le quotidien du "milieu de la mode". La caméra de Sally Potter éclaire aveuglément les visages. Couleurs saturées, éclatantes, comme une image publicitaire. Ce principe du déversoir-confessionnal tient difficilement la route plus d'une demi heure. Pourquoi cette histoire de mannequin dépressive, de couturier prétentieux et de patron sans pitié nous intéresserait-elle? On a du mal à suivre la trame dramatique et finalement on se rend compte qu'on s'en fout. Rage est un objet cinématographique nombriliste et prétentieux. Avec quelques répliques drôles, quelques phrases bien trouvées. Comme une bon spot publicitaire en somme. Il faudrait s'extasier sur le procédé "Les acteurs ne se connaissaient pas, ils ne se sont rencontrés qu'hier soir pour la première fois" explique Sally Potter, assez fière de son tour de passe passe. En somme c'est son jouet, sa chose. Elle s'est érigée en grand maitre d'orchestre omnipotente en oubliant qu'en face il y avait un spectateur.

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