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jeudi 12 février 2009

London River

Je me suis souviens d'avoir été voir Indigènes un peu à reculons, en ayant peur d'un ton bien-pensant et moralisateur. J'avais été conquise, surprise. Avec London River, le petit dernier de Rachid Bouchareb, il s'est passé l'inverse. Grosse déception mardi matin lors de la projection. Visiblement a contrario de la critique, qui place London River en tête de la compétition de la Berlinale à mi-parcours.

Ce film sans souffle, inconsistant, filme à Londres la rencontre inattendue entre Elisabeth Sommers (Brenda Blethyn), anglaise bon teint, et Ousmane (Sotigui Kouyate), originaire du Niger mais vivant depuis 15 ans en France. Dans le "Little Algeria" qu'est le quartier de Finsbury Park, ces deux adultes que tout sépare viennent chercher des indices sur les enfants respectifs, Jane et Ali, dont ils n'ont plus de nouvelles depuis les attaques à la bombe dans le centre de Londres. Tous les deux ont fait le voyage depuis leur campagne respective (elle l'ile de Guernesey, lui le sud de la France), et vont se retrouver dans l'agitation urbaine de Londres. Pas la peine d'en dire plus pour comprendre le fil pataud du scénario. Elle va d'abord se méfier de cet homme noir lié malgré elle à son destin - elle découvre que sa fille habitait avec Ali, le fils d'Ousmane, et apprenait l'arabe - puis un commencement d'entente et de tolérance s'installe. Le film est très long à se mettre en place, les scènes sont attendues, les dialogues incroyablement plats. Il y avait pourtant de bonnes idées dans ce film, à commencer par cette découverte d'un jeune couple mixte amoureux par le truchement des voisins, des parents, des photos. De même ce sentiment d'étrangeté ressenti par Elisabeh dans les rues d'un Londres métissé où elle n'a plus ses repères. Mais Bouchareb laisse l'histoire se dérouler de manière trop attendue. Si Brenda Blethyn tire son épingle du jeu, Sotigui Kouyate (l'acteur de Little Senegal) surjoue l'homme drapé dans un silence forcément digne. Le tout est lourdement surligné par des gros plans. Finalement cette rencontre dans la douleur sonne de manière assez pessimiste. Le racisme et la peur de l'autre ne seraient gommés qu'en cas de circonstances exceptionnelles, émotionnelles.
Je suis quand même aller rencontrer Bouchareb pour connaitre ses motivations sur ce film.
"Après les attentats du 11 septembre, puis ceux de Londres, on a ressenti une grande pression. Cela a mis des mois, des années, à s'estomper. Je savais à quoi pensaient les gens assis en face de moi dans le métro ou dans la rue. Avec ce film j'ai voulu montrer qu'on peut être arabe, musulman et souffrir des conséquences de ces attentats. J'ai voulu faire un film sur une rencontre, qui finti par gommer ce qu'ils sont. Ils vont avoir les mêmes angoisses, les mêmes espoirs même s'ils les vivent de manière très différente. je trouvais ça formidable comme sujet."
Sur la minceur du scénario "C'est un tout petit scénario, c'était précis mais je voulais qu'on aille jusqu'à ce qu'ils n'aient plus de dialogues à dire. Je suis intéressé par ce qui se passe après. Je laissse toujours tourner les plans longtemps. Je laissais faire les acteurs même longtemps après la fin des dialogues."
Sur le racisme, et la question noire, Bouchareb évoque immanquablement l'élection d'Obama. "le nouveau président américain va peut être permettre une discussion, une nouveauté, une ouverture maximale avec le reste du monde. C'est un black quoi! Je ne sais pas pourquoi, mais je le ressens comme une énorme avancée dans les têtes, même si on sait que la politique américaine ne va pas beaucoup changer. Ca nettoie totalement le passif de l'Amérique, c'est un grand moment. En France, c'est une chose encore impensable. On est loin de ça. On veut bien Zidane champion du monde mais pas Zidane président."
Sur l'attitude soumise d'Ousmane, qui accepte toute manifestation de racisme sans protester, comme résigné. "C'est quelque chose qu'on apprend à la naissance. Dans le monde actuel, le pouvoir est aux mains du monde blanc. On sait ça depuis toujours et quand on est Africain, on ne le découvre pas. Obama va changer ça dans les têtes, celles des noirs mais aussi celles des blancs. Pour quelques heures, quelques jours, Obama a été le président de la planète".
S.

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