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mardi 16 février 2010

Kosmos - Le cinéma de sensations de Reha Erdem

Le cinéma de Reha Erdem ne ressemble à rien d’autre. Un monde de sensation, de folie, de surnaturel planté les deux pieds dans le réél, du poétique frénétique, violent et doux à la fois. L’an dernier Hayat Var, portrait d’une petite fille solitaire à l’âge de devenir femme sur les bords du Bosphore m’avaient enveloppée. Kosmos cette année m’a bousculée. Il faut découvrir ce cinéaste là, qui s’accroche aux parcours d’êtres d’exception en convoquant la poésie et la folie pour échapper à la laideur.
Hayat parlait peu, fredonnait presque pendant tout le film, un son doux entêtant, sa manière à elle de s’échapper. Kosmos ne parle pas plus, mais parfois il hurle. Le film s’ouvre sur une cavalcade enneigée. dans le gris et les flocons, un homme à bout de souffle btrouve la force de hurler  un cri qui le situe d’emblée dans un entre-deux, entre monde animal et humain. Il s'écroule, dans sa main des billest. Kosmos n’est pas d’ici, il n'a pas à se situer. Il arrive c'est tout. Cette fois-ci, c'est dans une bourgade frontalière- mais quelle frontière? - qui semble en guerre - mais quelle guerre? Dreha Erdem quitte les eaux du Bosphore pour s'enfoncer à l'Est de la Turquie - enfin on imagine - dans un village,où vivent desêtres trop coupés du monde, bercés par les ronrons des chars et des manoeuvres militaires. Kosmos y arrive comme un prophète, figure christique prête à soulager les hommes pourvu qu’ils lui en laissent l’occasion.
Kosmos parle peu et quand il le fait ce ne sont que paraboles et illuminations prophétiques. Il ne marche pas, il court, calant son pas sur celui des oies courant sur la neige dont le bruit de leurs palmes sur le sol revient comme un refrain. Parfois il vole et lorsqu’il ouvre la bouche c’est toujours en montrant très grand ses dents. Il regarde comme personne, voit derrière les visages. Jamais le village n’aurait ouvert ses bras à un tant d’étrangeté s’il n’avait pas sauvé l'enfant tombé dans la rivière glacée sous les yeux de sa soeur. Qu’il l’ait pris dans ses bras et l’ait réanimé le fait tout de suite passer pour un héros. On le loge, le nourrit, on lui fait croire qu'il a sa place dans cette société grise, peuplée d'officiers, de femmes trop seules et d'enfants incompris. Mais la grâce est de courte durée. Très vite Kosmos se montre trop étrange, trop différent. Quoi, entrenir cette homme qui ne veut pas travailler, ne se nourrit que de sucre en poudre, et vole pour donner aux autres? C’est un monde d’incompréhension qui se tisse petit à petit entre lui et eux. Seule une adolescente, la grande soeur aux yeux tellement bleus, semble séduite par ce doux fou un peu bestial. C’est qu’elle semble faite de cette même pâte surnaturelle, prête à répondre à l’étrange, sans protection, sans apriori. Leur rencontre donne lieu à l’une scènes les plus insensées du film, dans une envolée de plumes, de sang, de peau. C’est que Reha Erdem flirte avec le surnaturel, choisissant la voix du poétique pour dire cette fable cruelle. Pour qui accepte de le suivre dans son voyage sensoriel, c’est un chemin magnifique.

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