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lundi 22 février 2010

Le miel et Polanski

Marquée par la glace et le froid, la 60e édition de la Berlinale se clôt sur un bilan mitigé : une compétition peu équilibrée où quelques navets côtoyaient des films de bonne tenue, une programmation faisant la part belle au cinéma du monde, un palmarès sans surprise. What else????
Non Roman Polanski n’a pas obtenu l’Ours d’or, seulement celui du meilleur réalisateur pour le très réussi “The Ghost Writer”. Mais au lendemain du palmarès de la 60e Berlinale, c’est bien son nom qui apparaît en tête de tous les journaux, éclipsant le couronnement du réalisateur turc Semih Kaplanoglu, avec sa fable méditative Bal (Miel). Le fantôme de Polanski aura ainsi plané sur toute cette Berlinale 2010. C’est qu’attribuer un prix au réalisateur franco-polonais toujours assigné résidence en Suisse avait valeur de symbole. "Je déplore qu'il ne soit pas avec nous ce soir, commentait samedi soir sur la scène du berlinale Palast son producteur français Alain Sarde. “Mais il m'avait dit qu'il ne viendrait pas de toute façon, car la dernière fois qu'il est allé à un festival, il s'est retrouvé en prison (...)Nous lui avons parlé juste après la cérémonie. Il est très content et honoré de recevoir un troisième Ours". Roman Polanski avait en effet reçu l'Ours d'or du Festival du film de Berlin en 1966 pour "Cul-de-sac", et le Prix spécial du jury avec "Répulsion" un an plus tôt.
Les choix du jury emmené par le cinéaste allemand Werner Herzog n’ont pas vraiment surpris. Bal, le très contemplatif film de Semih Kaplanoglu mettant en scène une famille traditionnelle dans la région de la Mer Noire, faisait partie des favoris. Ce portrait autobiographique d’un enfant renfermé et bègue, fasciné par la figure du père, un apiculteur au savoir ancestral, vaut par sa splendide maîtrise de l’image, de la lumière et des cadrages. En récompensant également “How I ended this sommer” du jeune réalisateur russe Alexei Popogrebsky, Werner Herzog a confirmé son amour des films de paysage et de nature. Ce drame arctique, construit comme un thriller psychologique met aux prises deux hommes aux natures très différentes. Un tête à tête violent dans un environnement qu’il ne l’est pas moins, qui mérite amplement son double prix d’interprétation pour Grigori Dobrygin, 23 ans et Serguei Pouskepalis, 43 ans, et l’ours d’argent pour le cameraman. 
Pas plus étonnant non plus les deux récompenses attribuées au film roumain “If I want to whistle I whistle” ("Si je veux siffler, je siffle"), de Florian Serban. Tourné caméra au poing, au plus près d’un acteur surprenant de charisme, ce film a détoné dans la sélection. Plus nerveux, plus jeune, plus bouleversant, plus âpre que les autres films présentés. Il a reçu le Prix spécial du Jury et le prix Alfred Bauer qui récompense une œuvre innovante.
Le seul à avoir rivalisé dans l’impertinence et l’originalité de l’univers, est sûrement le Mammuth de Délépine et Kervern, seul film français en compétition. Gérard Depardieu y campe un gars sans prétention, un peu naïf un peu looser, mais pas méchant pour deux sous, qui part à moto collecter des preuves de travail pour toucher sa retraite. Cheveux longs et ventre lourd à l’air, la star française semble retrouver là le cinéma de ses débuts, différent, dérangeant, celui des Valseuses, de Pialat ou de l’An 01. “Ce personnage ressemble à ce que je suis dans la vie. Comme lui, je n’ai pas de vision de carrière, pas de plans. Je suis un vagabond” a déclaré l’acteur lors d’une conférence de presse épique, où verres à la main les réalisateurs ont insufflé un brin de folie alcoolisée sur cette édition bien calme. Le film n’a reçu aucune récompense mais il sortira le 21 avril sur les écrans français.
Stéphanie

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