Journal du bord du festival berlinois depuis 2008

°critiques°interviews°rencontres°ambiance°images°

vendredi 19 février 2010

Géraaaaaarrrrrrd!

(c) berlinale off


Qui a dit que Depardieu était fini? Dans Mammuth, seul film français en compétition, l’acteur renoue avec un cinéma d’auteur poétique, dérangeant. Après 170 films et quarante ans de carrière, l’ogre du cinéma français ne semble toujours pas arrivé à satiété.
Il est là et c’est la première fois à la Berlinale. Plus très beau, plus très jeune, mais les photographes n’en ont que pour lui. “Gérard, Gérard!”. C’est que la veille Gérard a séché la séance officielle de “l’Autre Dumas” au Friedrichstadt Palast pour filer seul dans un petit resto italien de Kreuzberg. Cette fois-ci il est bien là, en chair et en chair, en forme aussi, pour défendre son très beau rôle de marlou retraité lancé sur une moto Münch Mammuth à la poursuite de ses points retraite. Projeté le dernier jour de la compétition, “Mammuth” du duo grolandais Gustave Kervern/ Benoit Délépine (Aaltra, Louise Michel) a insufflé une bonne dose de fraîcheur et d’irrévérence sur la 60e Berlinale.
Gérard Depardieu y est touchant de naturel et de douce folie. Impossible de ne pas penser aux rôles des débuts, ceux de l’An 01, des Blier et des Pialat. Ceux d’avant Obélix, Christophe Colomb et Monte Cristo. Longue chevelure blondasse au vent, cet ouvrier tout juste retraité file sur sa moto antiquité, à la recherche de ses anciens employeurs qui ne l’ont pas déclaré. En s’échappant de son quotidien, de son couple aussi (Yolande Moreau joue sa femme), il retrouve le goût du monde et de la liberté. Il faut le voir en djellabah, cheveux longs et gras au vent, il faut le voir masturber son cousin plus tout jeune dans une scène sans faux semblant. Qui d’autre pourrait être aussi à l’aise devant la caméra avec un corps aussi imposant? “Je n’ai pas eu besoin de jouer, je n’avais qu’à être”, précise Depardieu.“J’ai retrouvé l’amusement et la façon de vivre au jour le jour du cinéma d’avant quand j’étais jeune, un peu comme les Valseuses - quoi que les Valseuses c’était quand même mieux organisé”. On n’a pas de mal à s’imaginer le bordel sur plateau en assistant à une conférence de presse branquignole qui se démarre par une Marseillaise et se poursuit à coups de ballons de rouge et de rires gras. “Dans Mammuth, j’ai d’abord trouvé une vraie liberté. C’est de l’art. Un peu comme si Marcel Duchamp avait tourné. Avant il y avait des gens comme de Sica, Pasolini. Aujourd’hui le cinéma propose de moins en moins d’idées que j’ai envie de défendre autant que Mammuth. Pour moi, ce n’est pas seulement un film: c’est le premier manifeste artistique depuis longtemps.»
Est-ce pour cela que cet acteur habitué aux cachets grassouillets a accepté de tourner ce petit film, fait par une bande de branquignoles du PAF. “Il a fait ça gratuitement” pérore Gustave Kervern, complètement bourré, “ça fait enrager tous les producteurs”. Gratuitement peut-être pas, mais pour pas grand chose à coup sûr.
Depardieu semble avoir été touché au cœur par cet ouvrier motorisé. Parce qu’il y a un peu de son père “qui a vécu comme ce personnage. Il ne savait ni lire ni écrire. Il était exploité par tout le monde. Mais il avait la même poésie: pour se faire opérer d’un cancer, il était allé à l’hôpital musulman, juste parce que l’idée lui plaisait! Il voulait mourir en robe et babouches!» Parce qu’il y a surtout de lui dans ce gentil décalé, avide de vent et hanté par le souvenir d’une femme belle à mourir (Isabelle Adjani). “Il me ressemble. Je suis plutôt un vagabond, je n’ai aucune ambition de posséder. Je suis comme cet homme, j’ai juste eu plus de chance que lui parce que je fais un métier bourré de fric et de cons. Du coup j’essaie de m’arranger entre le fric et la connerie.”

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire