Journal du bord du festival berlinois depuis 2008

°critiques°interviews°rencontres°ambiance°images°

mardi 15 février 2011

Women Art revolution - une galerie à soi...

Elles avaient 20 ans en 1968, du talent, de la gueule. Des artistes. Elles étaient une poignée mais se sont découvertes nombreuses : des artistes féministes se rendant compte que rien existe pour accueillir leur art, qu'aucun musée ne présente d'œuvres de femmes, que les galeries les reçoivent à peine, qu'elles sont méprisées, rendues à leur condition d'épouse ou de mère. Alors elles passent à l'attaque. Le Feminist Art Movement est né. Nous sommes dans les années 60. Elles s'appellent Judy Chicago, Miriam Chapiro, Yvonne Rainer, Martha Rosler... Premier geste pour la plupart : divorcer. Pour se libérer des contingences du quotidien pour pouvoir se consacrer à soi, aux autres. Deuxième étape : avoir un espace à soi, Virginia Woolf n'est pas loin. C'est le temps des espaces collectifs tels que le A.I.R. Gallery and Franklin Furnace in New York and the Los Angeles Women’s Building. La réalisatrice Lynn Hershman Leeson faisait partie de ce mouvement. Pendant 40 ans elle a accumulé matériel, interviews, images d'expositions, de débats. Son film est autant un regard dans le rétro sur ce mouvement qu'un formidable acte d'archivage. D'ailleurs en parallèle du film elle a mis en ligne ses heures d'entretien et les numérisations des œuvres dont la plupart n'ont jamais été exposées. sur le site de l'université de Stanford. Dans un foisonnement de projections d'oeuvres, d'entretiens, d'images d'époque, elle retrace telle une historienne participante, les prémisces, consolidations et déceptions d'un mouvement de révolution. Et c'est passionnant.
Elle passe en revue les mesquineries, les articles de presse incendiaires, les injustices d'un monde dominé par le mâle, mais aussi les projets qui capotent, les engueulades, les conflits internes qui gangrènent un mouvement déjà microscopique.  Certaines interviews sont poignantes, on voit parfois ces femmes à 20 ans d'écart, et la confrontation à la réalité a souvent été rude. Elles ont vécu vite, violemment, et peu d'entre elles ont réussi gagner leur croute avec leur art. Aujourd'hui des jeunes femmes artistes arrivent à s'imposer un peu partout dans le monde. Certaines reprennent sans le savoir l'héritage artistique de ces pionnières américaines. D'autres  - à moins que ce ne soit les mêmes déguisées - ont repris le flambeau à travers les Guerrilla girls qui manifestent en masque de gorille et affichent à coups de slogans caustiques. Le féminisme s'adapte au marché du divertissement.Lorque le Moma PS1 de New York a organisé une rétrospective en 2008 Wack! Art and the Feminist Revolution, l'expo est devenue phénomène, l'Amérique artistique se rappelait enfin qu'un mouvement féministe artistique avait existé. La consécration arrive bien tard. La réalisatrice raconte comment elle a enfin pu vendre, et cher, des œuvres qui avaient passé des années dans ses toilettes et sous son lit. Même un musée à qui elle en avait fait don lui avait répondu "si vous ne récupérez pas ces œuvres dès demain, nous les détruirons". C'est avec l'argent de ces œuvres vendues qu'elle a pu faire son film.  Dans cette salle du Cinestar j'ai l'impression que le public est plus féminin. j'aurais aimé rester pour le débat, mais les séances se bousculent, dommage. Je laisse en suspens des interrogations. J'ai toujours la même impression lorsque je regarde ces films de militants. A la fin c'est un peu toujours le même constat, cette espèce de déception après des dizaines d'années de lutte : "nous en sommes encore là?". Allez trêve de pessimisme, le documentaire de Lynn Hershman Leeson ouvre une porte vers l'avenir en ouvrant son site internet aux prochaines générations de femmes. Pour continuer à l'écrire.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire