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mardi 15 février 2011

Destins croisés de Miriam Makeba et Harry Belafonte

"Mais vous savez je n'aime pas cette chanson Pata, Pata. Les paroles ne veulent rien dire. C'est un truc pour danser". Miriam Makeba est interviewée, en français. Elle habite déjà en Guinée, elle est une star mondiale. Et là à peine audible, elle dit ça en souriant à son intervieweur. Sourires dans la salle. Tout le monde connait Pata Pata, d'ailleurs n'y pensez pas trop elle est de ces chansons à ne plus vous sortir de la tête. Miriam Makeba, avait tant d'autres choses à dire, plus politiques, plus militantes.
C'est à cette chanteuse sud-africaine magnifique doublée d'une militante anti-raciste, anti-colonialiste, anti-capitaliste, que Mika Kaurismäki, le frère d'Aki, consacre son documentaire Mama Africa. Il y a d'autres moment de grâce comme ces extraits du film anti-apartheid Come Back Africa, qui vaudra à Miriam Makeba l'exil forcé pendant 31 ans. On la voit souveraine en robe bustier chanter au milieu de musiciens subjugués. Ou son discours anti-apartheid devant les Nations Unies. Miriam Makeba est belle parce qu'elle est droite, sans fard, forte. Interrogée à la télévision américaine sur le racisme et l'apartheid, elle vous balance comme ça droit dans les yeux avec un beau sourire. "La différence entre les Etats-Unis et l'Afrique du Sud est ténue. C'est juste que l'Afrique du Sud assume ce qu'elle est". Je connaissais l'engagement de Makeba mais je ne savais pas qu'elle avait été mariée au chef des Black Panthers Stockley Carmikaël ni qu'elle avait été de tous les mouvements d'indépendance africain. Harcelé par le FBI après son mariage, elle est accueillie en Guinée, qu'elle ne quittera que bien des années plus tard, après un coup d'état. On la retrouve encore dans le documentaire Sing your Song consacré à Harry Belafonte. C'est que son destin international est lié à et artiste américain qui l'a fait découvrir dans les années 60 à l'Amérique raciste. Dans Sing your song elle rapporte "quand je suis revenue en Afrique du Sud les gens venaient et me serraient dans leurs bras en me disant. Vous ne pouvez pas savoir comme je suis heureux de vous rencontrer vous savez je suis parti en prison parce que j'avais acheté votre disque avec Belafonte". Tant que l'apartheid a été en place, tous les disques de Makeba étaient interdits en Afrique du Sud. An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba a valu le Grammy Awards à la chanteuse en 1966. Harry belafonte a fait de Miriam Makeba une star planétaire. C'est lui qui lui offre ses premiers cachets dans une salle de New York lorsqu'elle est extradié d'Afrique du sud. Il l'introduit, lui fait faire un disque une tournée, des télés c'est le succès immédiat de cette chanteuse étrange qui fait toc avec sa gorge lorsqu'elle chante. Celle qui est morte en 2009 après un concert de soutien à l'auteur de Gomorra est d'une trempe qui ne se fait plus beaucoup dans le monde du show bizz. Harry Belafonte pourrait également être de ceux-là, c'est en tout cas ce que tente de nous démontrer le documentaire très hagiographique de Susanne Rostok. Sing your song, retrace la vie de ce chanteur américain, né à Harlem, d'origine jamaïcaine. Arrivé à la gloire par le théâtre - il a dans ses cours Marlon Brando - il s'oriente vite vers la comédie musicale et la chanson. L'expérience du racisme dans l'Amérique profonde des années 60 lui forge une âme de révolté. Sa vie de militant de droits civiques aux côtés de Martin Luther King, mais aussi pacifiste, anti-raciste trace une certaine histoire de l'Amérique "alternative". Mais le documentaire a le défaut de raconter la vie de Belafonte par Belafonte, qui finance aussi en partie le film. Du coup  le documentaire manque de recul sur une carrière qui s'est aussi moulée dans les canons du show bizz  y compris dans ses combats : We are the world, c'est lui!  C'est surtout étrange que la Berlinale lui offre une si grande place. Belafonte a tout de même belle allure à plus de 80 ans. Il continue de sillonner le monde pour combattre les injustices... et courir les festivals.

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